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Les Cris, la suite

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Le blog du journal du lycée Jean Vilar VLA


Tunisie : « La révolution de jasmin »

Publié par Les Cris, la suite sur 21 Décembre 2013, 10:43am

Catégories : #En savoir plus sur ...

Presque 3 ans jour pour jour après l’immolation de Mohamed Bouazizi* à Sidi Bouzid, Les Cris publient un article paru dans le n°3 d’avril-mai 2013 sur le processus de la « révolution de jasmin » qu’a connu la Tunisie, point de départ du « Printemps arabe » qui a secoué (et secoue encore) les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, du Maroc au Yémen en passant par la Syrie.

Depuis son indépendance, la Tunisie n'a connu que deux chefs d'Etat. Habib Bourguiba, premier président en 1956, modernise le pays mais son régime dérive vers une longue tyrannie qui mêle censure des médias et répression des opposants. On aurait ensuite pu voir dans la sénilité de Bourguiba la fin d'un régime autoritaire mais aucun répit n'est possible dès lors que la machine despotique est bien huilée.

Ben Ali, de l’espoir au mécontentement

Zine el Abidine Ben Ali prend le relais en 1987. Connaissant les rouages de la mécanique administrative et politique pour avoir occupé pléthore de postes dont celui de 1er ministre sous Bourguiba, il s'érige rapidement en maître incontesté de la Tunisie. Toutefois, à ses débuts, on peut penser qu'il n'est pas de la même veine et a compris les erreurs de son prédécesseur. Dès son « intronisation », il multiplie les actes de libéralisation du régime et contribue au processus de laïcisation déjà engagé sous Bourguiba.

Mais rapidement, des marques de la méthode «Ben Ali» sont perçues comme anti-démocratiques. Il ne tient pas ses promesses et abroge ses propres lois. Néanmoins, les avancées de la Tunisie, en matière de scolarisation et de droit des femmes, sont importantes et significatives.

Finalement, le peuple condamne plutôt une forme de ploutocratie gangrénée par des affaires de corruption internes que le président lui-même. Le mécontentement est surtout alimenté par des rumeurs qui toutes ont une unique cible : le «clan Trabelsi» du nom de famille de l'épouse de Ben Ali.

Leila Trabelsi, cette femme que peu connaissent a réussi à s'imposer dans la sphère politique. Aux yeux du monde, c'est une maitresse de cérémonie excellente, une activiste forcenée qui lutte en faveur du droit des femmes. Et pourtant, elle est l'une des plus ferventes défenseuse du népotisme en place. Elle établit ses proches à des postes-clés, elle instaure un climat de terreur fondé sur les bakchich et accumule une fortune considérable.

Ben Ali qui sent le vent de la révolte souffler mène alors une politique plus libérale. Mais la mécanique révolutionnaire est déjà en marche. Les opposants ne se satisfont plus de ces quelques rares avancées et crient toujours plus fort leur mécontentement.

L’immolation de Mohamed Bouazizi met le feu aux poudres

A posteriori, on se rend compte que l'immolation du jeune Mohammed Bouazizi* à Sidi Bouzid en décembre 2010 n'est non pas une fumisterie, mais plutôt une exagération très forte des faits qui contribuent à créer la légende.

Non, il n'était pas diplômé puisqu'il avait arrêté d'aller à l'école avant d’obtenir son baccalauréat, non, la jeunesse désœuvrée n'aurait pas dû s'identifier à lui, non, une femme de la police ne l'a pas giflée avant de l'expulser des bureaux et de saisir son attirail de marchand des quatre saisons. Ces affabulations sont bien le point de départ d'une révolution dont le processus ne connait toujours pas de fin.

Pourtant, c'est bien ce « mythe » qui motive des milliers de Tunisiens dans les jours qui suivent à descendre dans les rues, drapeaux à la main, regards enflammés et poings serrés. C'est comme cela que tout a commencé : un mort, des rumeurs, la faillite d'un régime qui n’arrive pas à résorber un chômage important et c’est tout un système qui s'écroule. Bouazizi est le pilier du château de carte : sa disparition annonce celle de Ben Ali.

L'état insurrectionnel se propage et le gouvernement réagi tardivement. Le président n'a plus d'emprise sur le peuple dont les grèves et les manifestations sont devenues quotidiennes. La mobilisation s'étend à toutes les catégories sociales. Elles concernent les artistes, les jeunes, les plus âgés et les élites.

« Ben Ali dégage »

Le cercle vicieux des répressions lors des cortèges funèbres alimente la spirale infernale : à chaque mort, s'ensuivent des manifestations au slogan de « Ben Ali dégage ». Ces dernières sont violemment réprimées et ajoutent de nouveaux défunts qui nourrissent de nouvelles cérémonies...

Pour autant, jamais, dans son histoire, la Tunisie n'a connu une telle détermination dans l'exécution d'une semblable entreprise révolutionnaire. Les dernières promesses de Ben Ali sont vaines, la libération des prisonniers politiques est un symbole qui ne touche plus et assène même l'estocade au régime.

Les opposants ne craignent plus rien et se désintéressent des mesures prises ou annoncées (élections anticipées dans les 6 mois...). Ils bénéficient enfin du soutient déterminant de l’armée : le despote en place est contraint de fuir le 14 janvier 2011 et de laisser le pouvoir à son premier ministre puis au président du conseil. De prime abord, avec la « révolution de jasmin », c'est la fin d'une Tunisie qui prive ses citoyens de toute liberté et l’immolation de Mohammed Bouazizi est perçu comme le point de départ du « Printemps arabe ».

Evan G. (Article paru dans Les Cris n°3, avril-mai 2013).

*Mohamed Bouazizi est né le 29 mars 1984 à Sidi Bouzid et est décédé le 4 janvier 2011 à Ben Arous. Le Parlement européen lui décerne le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit en 2011 et le quotidien The Times le désigne comme "la personnalité de l'année 2011".

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