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Les Cris, la suite

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Le blog du journal du lycée Jean Vilar VLA


Paradis fiscaux (2) : la difficile lutte contre l’évasion fiscale

Publié par Les Cris, la suite sur 26 Octobre 2015, 18:46pm

Catégories : #Le monde d'aujourd'hui

L’évasion fiscale représente une formidable manne d'argent potentielle, surtout en cette période de déficit public (l'Etat dépense plus qu'il ne gagne).

Scandales et transparence

La France a choisi de lutter contre les paradis fiscaux. Elle a donc créé une liste d'"Etats et territoires non-coopératifs". Suite à une loi de 2009, les banques sont obligées de détailler leurs activités (bénéfices, impôts sur ces bénéfices, etc) réalisées dans ces territoires. Mais la plupart choisissent de s'en retirer plutôt que de devoir divulguer des informations. La France a donc accompli un premier pas vers la "transparence" mais l'avancée est limitée par le contenu de cette liste. En effet, elle comprend très peu d'Etats, représentant au total qu’une partie infime du marché mondial de la finance off-shore.

Des scandales ponctuels liés à l’évasion fiscale, bien que peu relayés par les médias, s'enchaînent : OffshoreLeaks (voir Les Cris n°10, article p. 6.), Luxleaks, et plus récemment Swissleaks. Pour ce dernier, l’histoire part d’un informaticien français, Hérvé Falciani, qui a travaillé six mois entre 2006 et 2007 à la HSBC, une grande banque suisse. Après avoir échoué à monnayer ses informations, il est a rendues publiques, devenant ainsi un « lanceur d'alerte ». Selon l'ICIJ (International Consortium of Investigation Journalists),180 milliards d'euros auraient transité par des comptes de HSBC de plus de 100 000 clients et 20 000 sociétés offshore entre novembre 2006 et mars 2007. Parmi ces clients venus du monde entier, la somme totale des fraudeurs français représente 6 milliards d’euros ! Sachant qu'il ne s'agit que d'une seule banque et pendant six mois seulement...

Swissleaks montre parfaitement que la problématique des paradis fiscaux est liée à la transparence financière et aux échanges d'informations : pour savoir si des contribuables français cachent de l'argent en Suisse, les banques suisses doivent accepter de livrer les noms de leurs clients. Pour mettre en place, cette coopération, il est donc nécessaire d'agir à un niveau supranational.

Malgré les discours, peu d'avancées dans la lutte contre l'évasion fiscale

L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), ne comprenant quasiment que des pays "développés", a créé une liste de pays non-coopératifs utilisée par le G20, sur laquelle s'est basée la France. Elle a également établi un protocole d'échange d'informations entre Etats. Le G20, dont les membres représentent 85% de l'économie mondiale et les deux tiers de la population, a conclu des accords, ce qui a conduit l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy à affirmer, après le sommet du G20 tenu à Londres en 2009 : « Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. »

Mais, certains accords ne sont pas vraiment appliqués, les mesures à prendre ne font pas le consensus, et comme il est dit précédemment, le contenu de la liste est incomplet. L'Union Européenne s’est saisie du problème. En 2005, puis en 2014, l'échange automatique d'informations a été étendu à plusieurs catégories de revenus et capital (mais pas toutes). Devenant ainsi le modèle le plus complet sur l'échange automatique d'informations, il ne s'applique malheureusement qu'aux pays membres : adieu la Suisse, le Liechtenstein……

De plus, l'évasion fiscale profite des différences de fiscalité entre pays, d'où une volonté d'harmonisation fiscale : tenter d’égaliser les taux d’imposition. Mais les pays les plus libéraux comme les Etats-Unis au sein du G20 ou le Royaume-Uni dans l'Union Européenne sont réfractaires à cette idée.

Reporting et multinationales

Ces principes de coopération et d'harmonisation fiscale sont promus par des organisations internationales, G20 et Union Européenne en tête, mais en sont exclus les pays du Sud. En 2011, selon l'ONG Global Financial Integrity (GFI) qui lutte contre la fraude fiscale, les fuites illicites de capitaux ont représenté dix fois l'Aide Publique au Développement (APD). Entre 2002 et 2011, ce sont au total 5900 milliards de dollars qui sont sortis d'Afrique. Ces fuites impliquent de nombreux acteurs, tels que les dictateurs qui pillent les revenus de leurs Etats ou les compagnies extractives (minières et pétrolières comme Shell ou Total). Les pays africains cumulent difficultés économiques et difficultés à lutter contre l'évasion fiscale : législation incomplète, rapport de force défavorable face aux Firmes transnationales (FTN), manque de compétences et de ressources…..

Qu'il s'agisse des pays développés ou non, l'évasion fiscale n'est donc dans l'intérêt de personne (à part celui des paradis et des évadés fiscaux). Il est donc nécessaire de lancer une initiative au niveau mondial. Mais pour établir une politique globale efficace, il est important d'avoir des données. C'est dans cette optique que certains réclament un « reporting » pays par pays, notamment réalisé par Global Reporting International (GRI). Il s'agirait de demander à chaque multinationale de déclarer chaque année : Dans quel pays opère-t-elle ? Quelles y sont ses activités ? A quelle hauteur est-elle taxée ? Combien emploie-t-elle de salariés ? Ces quelques exemples suffisent à comprendre la volonté générale du reporting : une transparence totale et partout.

On ne peut rien faire ?

Si un Etat ne peut lutter seul contre l'évasion fiscale, est-ce que nous, modestes citoyens, sommes condamnés à l'inaction? De nombreuses ONG dénoncent et luttent contre les paradis fiscaux. En France, elles sont regroupées sur la plate-forme "Paradis fiscaux et judiciaires" (http://www.stopparadisfiscaux.fr) née en 2005 qui regroupe 18 membres dont ATTAC, CCFD-Terre solidaire, CFDT, Oxfam, Secours catholique-Caritas France, etc. Sans forcément en devenir membre, il est facile de se tenir informé, ou de faire circuler des pétitions via Facebook.

On dit souvent que la santé va de pair avec les moyens financiers. Mais on peut s'interroger sur cette idée reçue quand on constate que passé un certain seuil d'imposition, certains sont plus vulnérable à la « phobie fiscale » !

D.J. (Article publié dans Les Cris n°11, mars-avril 2015)

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